Court-métrage |
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Ce qui ne nous tue pas d’Alexandra Mignien. Sortie le 21 sept. 2020. |
Texte intégral du court-métrage au format PDF : ce_qui_ne_nous_tue_pas_alexandra_mignien_2020.pdf |
Introduction▲
Pourquoi m’intéresser à la résilience ? Au cours de ma vie, j’ai dû faire face à des drames et, selon moi, j’ai pu faire en sorte de m’en tirer le mieux possible. On pourra toujours questionner la nature de chaque drame, simple accident ou grave traumatisme, et aussi la réalité et le degré salvateur de ma réaction vis-à-vis de ces événements avec leur incidence sur les relations interpersonnelles. Ce questionnement constitue précisément le thème du court-métrage d’Alexandra Mignien, d’où mon vif intérêt.
De plus, je fais le constat, un constat bien objectif il me semble, que le concept de résilience est dur à appréhender dans la vie sociale : savoir se comporter avec des personnes en souffrance n’est pas chose aisée dans notre société. Manque de sensibilité, de tact, d’habileté. Pas dans la juste proximité. Trop de ceci, pas assez de cela. Il semble ainsi délicat de relationner avec des personnes qui ont vécu des traumatismes, pour de multiples raisons. Mais déjà le concept de résilience est-il bien compris ? L’ai-je moi-même bien assimilé ?
Le court-métrage invite donc à réfléchir sur le concept de résilience et j’ai décidé d’écrire un article dessus. Pour commencer, je retranscris le texte du court-métrage. Plusieurs idées sur divers sujets y sont exprimées au fil du script. Ensuite, je reprends donc certains passages pour discuter et partager un point de vue, contribuer à la réflexion personnelle, apporter des éléments pour rebondir et alimenter le sujet. Pour développer, partager et mûrir sa propre réflexion. Bonne lecture !
1. Le script du court-métrage▲
Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort·e.
C'est faux.
Quand on survit à un accident de voiture, on n'en ressort pas plus fort·e. On en ressort souvent, cassé·e, blessé·e, amputé·e d'un membre, handicapé·e. Parfois, c'est réversible, et parfois, il faut se rééduquer pour espérer revenir au point de départ d'avant l'accident.
Alors pourquoi ce serait différent pour les blessures psychologiques ?
Ce qui ne nous tue pas nous rend fragile, nous détruit, nous change complètement. Nous fait perdre du temps, de l'énergie, souvent des amis. Nous prive de plusieurs années de bonheur parce qu'on est trop occupé·e à se reconstruire pour avancer.
Et parfois, ce qui ne nous tue pas nous laisse exactement comme avant. Parce que si c'est dans ta personnalité d'encaisser les chocs plus facilement qu'un·e autre, personne n'a le droit de te culpabiliser de ne pas être impacté·e.
Et quand on survit à ce qui ne nous a pas tué·es, on ne devient pas un·e survivant·e. On n'a pas gagné de super-pouvoirs, on n'a pas acquis la sagesse des ancien·nes. On confond souvent la sagesse avec la maturité et on confond parfois la maturité avec le fait d'avoir perdu une part de son innocence et de sa naïveté. Et c'est souvent ça que les gens qui se reconstruisent doivent apprendre à retrouver : la légèreté. Parce que tout est devenu plus grave, même l'air semble plus lourd. Souvent, on ne retrouve pas vraiment la légèreté. On apprend juste à vivre avec une pesanteur différente. Et quand on arrive à s'habituer à cette nouvelle lourdeur de l'air, qu'on apprend à respirer différemment, à se mouvoir différemment dans l'espace pour retrouver le contrôle de notre corps, quand on y arrive, les gens nous félicitent. On nous applaudit pour notre résilience.
La résilience, c'est physique. C'est l'aptitude d'un corps à résister à un choc. Mais quand ça s'applique aux sciences humaines, ça signifie :
"La capacité à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d'une adversité comportant normalement le risque d'une issue négative."
Socialement acceptable. Il est là le problème.
Parce que dans la plupart des cas, ce qui ne nous a pas tué·es au départ finit quand même par nous tuer, bien plus lentement. Mais si tu arrives à t'en sortir et qu'en plus de ça, tu arrives à le faire sans faire chier trop de monde avec tes problèmes, alors tu obtiens le badge de la résilience. Félicitations. Tu deviens une sorte de saint ou de sainte qu'il faut respecter parce que tu as tant vécu.
Et on te prête des dons communs à toutes les victimes de ce qui ne nous a pas tué·es. Par exemple, ça te transforme automatiquement en artiste talentueux·se. Parce qui connaît mieux le monde que celui ou celle qui a souffert ? C'est le point de départ de toutes les grandes histoires épiques. Si tu as envie de peindre en rouge, on va te dire que c'est la représentation de tes traumas, de ta psyché. Mais parfois le rouge, c'est juste du rouge. Quelle horrible pression à se mettre que de devoir trouver de la beauté dans ce qui ne nous a pas tué·es quand parfois il n'y en a pas. Il y en a ailleurs, mais pas là.
Et parfois avoir souffert, ça ne nous donne pas du talent. Ça nous en prive au contraire. Parce que tout est plus difficile. Même se lever le matin, ça devient compliqué. Alors, écrire un livre ou composer une chanson, c'est de l'ordre de l'impossible. Et heureusement qu'il ne faut pas forcément avoir souffert pour avoir du talent. Qu'il ne faut pas forcément être alcoolique et mourir à 27 ans pour être une rockstar. Sinon, la totalité des œuvres de ce monde serait bien sombre.
Dans la vie, si tu sors de la norme physiquement ou mentalement, on estime avoir le droit de te juger. Tu es trop grosse, trop maigre, trop triste, trop enjoué·e. Et si tu expliques que ta différence est due à quelque chose qui ne t'a pas tué·e. Oui, je suis trop grosse, parce que je suis devenue boulimique suite à mon viol. J'ai des scarifications, parce que c'était le moyen de survivre quand mon père me frappait étant enfant. Je suis trop enjoué·e, parce que ça me permet de cacher la dépression dont je souffre depuis 10 ans. Alors les gens s'excusent de t'avoir jugé·e trop hâtivement. Leurs expressions changent. Iels sont sincèrement désolé·es pour toi. C'est ce qu'on appelle la pitié. Et ça te donne automatiquement droit à une carte libéré·e de prison que tu peux utiliser ou non quand bon te semble.
Et parfois, on n'a pas le choix.
Mais iels font comment les gens qui n'ont pas la chance d'avoir une excuse validée par la street. La fétichisation des malheurs et des traumatismes, c'est compliqué, parce que d'un côté, on fascine les gens qui n'en ont pas vécu. Oui, parce que ce qui ne nous a pas tué·es nous a rendu·es plus fort·es mais elleux, jamais rien n'a essayé de les tuer. Donc iels n'ont jamais eu la chance de devenir plus fort·es.
Et d'un autre côté, va essayer de construire une relation amicale ou amoureuse avec des bagages traumatiques. Sur le papier, c'est excitant, mais une fois passé le charme de vivre avec une personne brisée, il ne reste souvent qu'une personne plus difficile à supporter que la normale. Ça fait fuir beaucoup plus de gens qu'on veut bien le croire.
Donc non seulement ce qui ne t'a pas tué·e ne t'a pas rendu·e plus fort·e mais, en plus, ça t'a rendu·e plus seul·e. Et la solitude, il faut arriver à la gérer aussi. Pas la solitude physique, la solitude mentale. Celle qui te fait te dire que personne sur cette Terre ne peut comprendre ce que tu as vécu au moment où tu l'as vécu.
Et que même si tu t'en es sorti·e, tu ne seras plus jamais tout à fait sur le même plan d'existence que les autres.
C'est faux aussi.
Mais c'est difficile de relativiser ça quand le monde entier essaye de te faire croire que tes blessures t'ont donné accès à une élévation spirituelle. Donc non. Quand je suis perdue, le regard dans le vide, ce n'est pas forcément du stress posttraumatique. Ce n'est pas non plus parce que je pense à la vacuité de l'existence ou à la poésie de l'obsolescence. Souvent je ne pense à rien. Ou alors j'ai faim. Ou alors je pense à la robe que j'ai vue en magasin ou à la chanson que j'ai dans la tête depuis 15 jours. Parce que je suis normal·e, ni plus ni moins exceptionnel·le. Même si c'est facile de se complaire dans le rôle que la société trouve acceptable de nous donner.
Ce qui ne nous tue pas ne nous rend pas plus fort·e. Mais une chose est sûre. Ce qui ne nous tue pas ne nous définit pas.
2. Un traumatisme potentiellement destructeur, même tueur▲
Ce qui ne nous tue pas nous rend fragile, nous détruit, nous change complètement. Nous fais perdre du temps, de l’énergie, souvent des amis. Nous prive de plusieurs années de bonheur parce qu’on est trop occupé·e à se reconstruire pour avancer.
Alexandra Mignien, court-métrage ‘Ce qui ne nous tue pas’, 21 sept. 2020.
Un traumatisme est un événement significatif avec très souvent de lourds impacts sur le bien-être et la santé d’une personne. D’ailleurs, on fait le constat d’un avant et d’un après cet événement, au contraire, d’un fait anodin, insignifiant que l’on ignore de facto. Pour imager : comme une catastrophe naturelle, un séisme, une éruption volcanique, et non une averse ou un vent de moindre importance, mais dans la vie d’une personne.
Donc, pouvoir reprendre le cours de la vie comme si rien ne s’était passé de significatif est normalement de l’ordre de l’impossible. Comprendre l’adverbe normalement comme quelque chose qui est mesurable objectivement dans notre société. Sinon, le mot traumatisme lui-même n’existerait pas, il serait un mot fantôme du dictionnaire. On pourrait aussi mettre tous les drames sur le même plan avec le même degré d’impact et de répercussions et bien sûr c’est juste faux, absurde et même indigne, inhumain.
Pour dire l’importance de la considération d’un traumatisme, d’un drame, d’un deuil dans la vie d’une personne, je partage un extrait du livre Le passager de l’écrivain Jean-Christophe Grangé, qui vient abonder dans le sens des propos de la réalisatrice :
Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort. C’était une connerie… Du moins dans son acception banale et contemporaine. Au quotidien, la souffrance n’endurcit pas. Elle use. Fragilise. Affaiblit. L’âme humaine n’est pas un cuir qui se tanne avec les épreuves. C’est une membrane sensible, vibrante, délicate. En cas de choc, elle reste meurtrie, marquée, hantée.
Jean-Christophe Grangé, Le passager, 1er septembre 2011.
Seulement voilà nos réactions d’êtres humain·es ne sont pas du tout les mêmes et sont si circonstancielles que les réponses à un traumatisme s’échelonnent d’une sortie indemne à la mort. A noter que la sortie indemne n’enlève en rien à la réalité de l’événement traumatique, que le contexte, les circonstances rendent unique, « propre à elle parce que c’est elle », et la mort peut être instantanée ou à petits feux. L’existence de ces différences de réaction face à l’adversité constitue le propos du prochain paragraphe.
3. Inégalités de comportements▲
Les conséquences d’un traumatisme sur une personne varient considérablement selon le contexte et du fait d’une multitude de facteurs de résilience qui vont permettre la guérison ou pas : ils sont inégaux et injustes.
3.1. La résilience est injuste▲
Une autre réaction qui peut arriver face à un traumatisme est de continuer comme avant. Parce que nous ne sommes pas égaux et égales face aux épreuves de la vie. La manière dont on se construit nous est propre et la manière de résister à un choc aussi. On peut donc noter de grandes différences comportementales face à des blessures psychologiques similaires : d’indemne au décès. De la même manière qu’en sciences physiques, une résistance en électronique laisse plus ou moins passer le courant selon sa caractéristique ou qu’un matériel résiste plus ou moins à un choc selon sa nature (acier, verre, carton, etc). C’est dur à accepter, c’est injuste mais c’est la réalité. La réalisatrice le rappelle avec ces mots :
Et parfois, ce qui ne nous tue pas nous laisse exactement comme avant. Parce que si c’est dans ta personnalité d’encaisser les chocs plus facilement qu’un·e autre, personne n’a le droit de te culpabiliser de ne pas être impacté·e.
Alexandra Mignien, court-métrage ‘Ce qui ne nous tue pas’, 21 sept. 2020.
Ce n’est pas parce que des personnes arrivent à surmonter facilement un cataclysme que cela est possible pour toutes les personnes. La faculté à encaisser les chocs, à résister aux drames n’est absolument pas égale. Et puis ce n’est pas parce qu’on n’y arrive une fois pour un type de traumatisme que cela garantit de réussir pour la fois suivante ou pour un autre type de traumatisme.
3.2. Ne pas culpabiliser▲
S’en sortir ou ne pas s’en sortir ? Dans tous les cas : ne pas culpabiliser. Pourquoi moi j’ai pu guérir et pas les autres ? Pourquoi je ne parviens pas à guérir alors que j’essaie de toutes mes forces ? C’est terrible, c’est cruel mais la sortie dépend de beaucoup de paramètres dont certains sont inaccessibles, et donc la volonté ne suffit pas. Peut-être que la volonté est nécessaire, je doute personnellement même de cela, mais la volonté n’est certainement pas suffisante. En fait, nous n’avons pas beaucoup de maîtrise sur ce qui fait que l’on peut « tricoter sa résilience » sans que cela signifie qu’il ne sert à rien de faire quelque chose pour autant. Seulement les efforts pour s’en sortir ne conduisent pas nécessairement à une guérison complète mais ils ne sont pas vains : ils peuvent aboutir à vivre dans un autre état autrement. Je le réécris : vivre dans un autre état autrement. Peut-être moins bien, ou malheureusement dans un état de souffrance plus ou moins supportable, ou contre toute attente largement mieux, mieux que si le traumatisme ne s’était pas produit ou aussi… rien de tout cela, juste un autre état plus ou moins satisfaisant selon le contexte de vie.
3.3. Conséquences sociétales▲
Parmi les conséquences majeures de ces inégalités de comportements pour faire face à un traumatisme, on peut noter : l’incompréhension sociétale sur les traumatismes, la culpabilisation des victimes, la difficulté de la prise en charge de la personne en souffrance, la minimisation de ce que vit la personne victime, le déni de l’intensité de la douleur et de la souffrance, la non-reconnaissance du fait d’être victime, entre autres. Avec bien sûr de grandes répercussions sur le vivre-ensemble.
4. Des nuances de poids▲
4.1. Attention aux confusions▲
Dans la compréhension de la résilience, des mots, des concepts sont à nuancer. Parmi eux : la sagesse, la maturité, la perte de l’innocence et de la naïveté. Attention aux idées reçues.
Et quand on survit à ce qui ne nous a pas tué·es, on ne devient pas un·e survivant·e. On n’a pas gagné de super-pouvoirs, on n’a pas acquis la sagesse des ancien·nes. On confond souvent la sagesse avec la maturité et on confond parfois la maturité avec le fait d’avoir perdu une part de son innocence et de sa naïveté. Et c’est souvent ça que les gens qui se reconstruisent doivent apprendre à retrouver : la légèreté.
Alexandra Mignien, court-métrage ‘Ce qui ne nous tue pas’, 21 sept. 2020.
Dépasser un traumatisme est une épreuve qui est souvent lourde à vivre. On peut aussi perdre de la légèreté. Le ressenti, le rapport à la pesanteur de la vie semble être un paramètre signifiant : selon la perception du poids de la vie, on peut évoluer, progresser ou au contraire s’arrêter ou être freiné·e. Serait-ce donc un facteur qui agit comme un moteur ou un frein dans la résilience ? Comme le moteur de la théorie de l’évolution, pour pouvoir s’adapter au mieux à l’environnement, à ce qui nous entoure ? Parce que c’est l’essence de la vie ?
4.2. Où est le mérite ?▲
Quand on y arrive, les gens nous félicitent. On nous applaudit pour notre résilience.
Alexandra Mignien, court-métrage ‘Ce qui ne nous tue pas’, 21 sept. 2020.
Tellement de facteurs sont en jeu ! Quelle est la part de mérite personnel ? Bien sûr que quand on fait le constat d’une issue positive, on peut s’en féliciter mais en même temps on peut noter des interdépendances, des causalités qui ne relèvent pas du tout de l’action personnelle, de l’individu lui-même. Les facteurs sont à mettre en lien avec le tissu socio-culturel de la personne. Ce sont des nuances de poids sur le mérite et l’affirmer ne galvaude pas le mérite propre s’il y a lieu.
5. Définitions de la résilience▲
Petit aparté étymologique
Du verbe latin resilio, ire, littéralement « sauter en arrière », d’où rebondir, résister au choc, à la déformation.
5.1. Définition de la résilience selon la réalisatrice▲
Dans ce court-métrage, la réalisatrice confie sa définition de la résilience. Voici ses mots :
La résilience, c’est la capacité à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d’une adversité comportant normalement le risque d’une issue négative.
Alexandra Mignien, court-métrage ‘Ce qui ne nous tue pas’, 21 sept. 2020.
La réalisatrice attire l’attention sur l’expression « socialement acceptable », estimant que c’est précisément là un écueil majeur pour la société dans laquelle nous vivons. Comme s’il semblait exister une contrainte, une condition sociale à la manière de s’en sortir, comme si la société avait un mot à dire, un droit de regard sur le comportement de la personne victime alors que celle-ci subit un traumatisme terriblement néfaste pour son être tout entier. Ce droit de regard peut ainsi provoquer des ravages et faire plus mal que le traumatisme lui-même. Et donc, la résilience peut se faire sans que celle-ci soit éthique. En effet, quand une personne est poussée dans ses retranchements et que sa vie est en danger, les conditions de survie peuvent se restreindre et conduisent alors à des comportements asociaux, immoraux mais vitaux pour la personne. Donc la résilience échappe à la morale.
Note : la remarque de la réalisatrice est justifiée et c’est donc dommage qu’elle ait introduit l’expression « socialement acceptable » dans la définition qu’elle partage dans le script car les sciences sociales valident précisément que le chemin menant à la résilience peut être désastreux sur le plan moral.
5.2. Définitions de la résilience provenant de dictionnaires et d’encyclopédies▲
(Sens figuré) (Psychologie, Sociologie) (Courant) Capacité d’une personne ou d’une société à résister ou à s’adapter à une épreuve brutale et à en tirer parti pour se renforcer.
Wiktionnaire, le dictionnaire libre
https://fr.wiktionary.org/wiki/résilience
La résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour un individu affecté par un traumatisme, à prendre acte de l’événement traumatique de manière à ne pas, ou plus, vivre dans le malheur et à se reconstruire d’une façon socialement acceptable. La résilience serait rendue possible grâce à la structuration précoce de la personnalité, par des expériences constructives de l’enfance (avant la confrontation avec des faits potentiellement traumatisants) et parfois par la réflexion, ou la parole, plus rarement par l’encadrement médical d’une thérapie.
Wikipédia, l’encyclopédie libre
https://fr.wikipedia.org/wiki/Résilience_(psychologie)
Au fig., rare. Force morale; qualité de quelqu’un qui ne se décourage pas, ne se laisse pas abattre. Dans ce deuil, une fois encore, elle étonna ses amis par son immédiate résilience (Maurois, Lélia, 1952, p. 469 ds Quem. DDL t. 22).
Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales
https://www.cnrtl.fr/definition/résilience
5.3. Définitions de la résilience en psychologie sociale▲
Le concept de résilience a été créé par Emmy Werner, une psychologue américaine du développement. Pour éclairer la notion de résilience, j’écris deux définitions issues des cours dispensés par Françoise Mariotti, docteure en psychologie sociale et aussi enseignante :
La résilience constitue un phénomène psychologique qui consiste, pour quelqu’un touché par un traumatisme, à prendre acte de son traumatisme pour ne plus vivre dans la dépression que ce traumatisme peut causer. C’est ‘vivre avec’, dans le sens où cela fait partie de la vie de la personne, ne la diminue pas mais au contraire lui permet de revivre et de reprendre un développement stoppé par le traumatisme.
Françoise Mariotti, psychosociologue, docteure en psychologie sociale et enseignante
http://www.mariottipsy.com/
La résilience peut aussi se définir d’une part comme la capacité pour un sujet confronté à des stress importants au cours de son existence de résister à l’adversité grâce à la possibilité de mettre en jeu des mécanismes adaptatifs, et d’autre part comme l’aptitude à transformer une expérience personnelle douloureuse en dynamique permettant d’ouvrir de nouveaux horizons, de construire et de reconstruire. La résilience implique donc une capacité d’aller de l’avant.
Françoise Mariotti, psychosociologue, docteure en psychologie sociale et enseignante
http://www.mariottipsy.com/
5.4. Mon regard personnel sur les définitions et les facteurs permettant la résilience▲
5.4.1. Tout le monde ne peut pas devenir résilient·e▲
Pourquoi peut-on être résilient·e ? On sait répondre à cette question grâce à la science. Différentes études de psychologie sociale ont établi les facteurs qui permettent la résilience : un attachement, un environnement familial permettant une stabilité affective et, au moment des drames, la construction de mécanismes de défense grâce aux ressources internes et externes de la personne. Une conséquence directe de ce propos :
Tout le monde ne peut pas devenir résilient·e. Cette remarque est dure et cruelle mais les conditions nécessaires et suffisantes réduisent considérablement le champ des possibles et rendent ardu le chemin menant à la résilience. Et donc, la résilience est malheureusement factuellement injuste.
Sonia Kanclerski, Pause-café chez Sonia, article Ce qui ne nous tue pas, 2024.
Il ne faut écouter aucune forme de mépris ou de prétention dans ce que je dis. Bien au contraire. Ce serait manquer de respect à toutes les personnes malades et en souffrance de faire miroiter qu’elles peuvent s’en sortir en suivant à la lettre une recette miracle ou en respectant un protocole sanitaire strict.
5.4.2. Un large spectre de réplique à un traumatisme : d’aucun préjudice à la mort▲
Mais alors quand un accident survient avec fracas dans sa vie, est-ce rédhibitoire ? Le traumatisme est-il fatal ? Que peut-on faire ? Quels degrés de liberté dans les actions pour les personnes subissant un traumatisme ? J’essaie de formuler des éléments de réponse. En fait, je pense que le traumatisme agit sur les degrés de liberté de la personne victime, pouvant aller d’aucun impact sévère à différents handicaps lourds, son action néfaste pouvant même entraîner la mort plus ou moins rapidement. Selon moi, l’événement induit ainsi plus ou moins sur la liberté d’action de la personne et, selon les circonstances, l’adaptabilité peut ou ne peut pas se faire, ou plus ou moins bien, et une propriété de cette adaptabilité est la contingence. Comme la vie elle-même en fait.
Je partage la définition de la contingence selon l’encyclopédie Wikipédia :
En philosophie et épistémologie, la contingence caractérise ce qui peut être ou ne pas être, ou être autrement qu’il n’est. Elle est souvent opposée à la nécessité, qui caractérise des faits qui ne peuvent pas ne pas se produire.
Wikipédia, l’encyclopédie libre
La contingence soutient que la réalité n’est pas déterminée par des facteurs préexistants ; elle implique une certaine indétermination ou hasard dans l’existence.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Contingence
Pour en savoir plus sur la contingence, je partage un lien sur une série de conférences intitulée Les mots de la philosophie, des conférences thématiques de l’association UPP ALDERAN où la notion de contingence est plus détaillée :
C’est pour cela qu’il est si difficile d’élaborer un protocole de soins efficace pour les personnes victimes. Comme la contingence dans une vie humaine fait que tout le monde ne peut pas faire tous les métiers du monde : devenir pianiste, astronaute, gastronome, électricien·ne, faire de la gymnastique comme Simone Biles, etc. Le hasard a permis l’émergence de la vie mais il peut également tuer. Cette adaptabilité est à mettre en lien avec les notions d’énergie et de structure, pour un rapport lourd de conséquences. Qu’en est-il ?
J’émets l’hypothèse que la guérison d’une personne suite à un traumatisme et même le comportement humain en général dépendent de la capacité à construire et à évoluer dans une structure donnée dans un contexte contingent avec l’énergie adéquate à son développement.
Sonia Kanclerski, Pause-café chez Sonia, article Ce qui ne nous tue pas, 2024.
5.4.3. Un être à reconstruire : du pouvoir de l’harmonie personnelle▲
Qu’est-ce que ce je suis en train d’écrire là ? En fait, pour survivre à une tragédie, un fracas de la vie, je fais le constat qu’il faut pouvoir être en harmonie avec soi-même, c’est-à-dire être en fréquence de résonance avec son être. Pour un système, la fréquence de résonance est la fréquence qui garantit l’utilisation optimale de l’énergie. Notons tristement l’utilisation de l’injonction car j’écris une condition nécessaire et qui se trouve être aussi suffisante. Pour la résilience, on peut remarquer aussi qu’il est très difficile de parvenir à cette harmonie du fait de la fragilité du processus qui le permet. Mais cette histoire d’optimisation de l’énergie, d’harmonie constitue aussi un grand espoir : on peut continuer à se développer même si le développement n’est pas optimal. Faire ce que l’on peut est déjà considérable et admirable.
6. La résilience, une étiquette pesante car inappropriée ?▲
6.1. Un badge au nom de la résilience▲
Parce que dans la plupart des cas, ce qui ne nous a pas tué·es au départ finit quand même par nous tuer, bien plus lentement. Mais si tu arrives à t’en sortir et qu’en plus de ça, tu arrives à le faire sans faire chier trop de monde avec tes problèmes, alors tu obtiens le badge de la résilience. Félicitations. Tu deviens une sorte de saint ou de sainte qu’il faut respecter parce que tu as tant vécu.
Alexandra Mignien, court-métrage ‘Ce qui ne nous tue pas’, 21 sept. 2020.
Quand on survit à un événement traumatique, les circonstances et la personne que l’on est dans le cadre psychosocial dans lequel on vit ont fait que la résilience a pu se produire mais il y a rien à en tirer. Un trophée de la survivance ? Une médaille du mérite ? Et les personnes pour qui la résilience leur a été impossible, elles ont une décoration post-mortem ? Et donc : juste pouvoir vivre dans un état où l’on se sent en vie et pas seulement sur-vivant·e.
6.2. La souffrance qui fait émerger le talent ?▲
Et on te prête des dons communs à toutes les victimes de ce qui ne nous a pas tué·es. Par exemple, ça te transforme automatiquement en artiste talentueux·se. Parce qui connaît mieux le monde que celui ou celle qui a souffert ?
Alexandra Mignien, court-métrage ‘Ce qui ne nous tue pas’, 21 sept. 2020.
Puiser au fond de soi les ressources pour survivre n’est pas la garantie de faire émerger le talent ou un don particulier. C’est possible mais en aucun cas automatique. Si les conditions nécessaires et suffisantes ne sont pas réunies, alors le talent ne se manifestera pas. La souffrance n’est pas une baguette magique qui fait jaillir ex nihilo le génie et l’inspiration.
6.3. Une projection symbolique qui pose problème▲
Mais parfois le rouge, c’est juste du rouge. Quelle horrible pression à se mettre que de devoir trouver de la beauté dans ce qui ne nous a pas tué·es quand parfois il n’y en a pas.
Alexandra Mignien, court-métrage ‘Ce qui ne nous tue pas’, 21 sept. 2020.
Le traumatisme et ses causes ainsi que ses répercussions ne doivent pas être surinterprété·es. La douleur est ce qu’elle est. Vouloir la faire parler, lui faire passer un interrogatoire, lui extorquer des symboles n’est absolument pas nécessaire et peut même être néfaste. S’il n’y a rien à en tirer, alors accepter l’événement traumatique en soi et son absence de sens dans sa vie.
6.4. La souffrance qui empêche la vie▲
Et parfois avoir souffert, ça ne nous donne pas du talent. Ça nous en prive au contraire. Parce que tout est plus difficile.
Alexandra Mignien, court-métrage ‘Ce qui ne nous tue pas’, 21 sept. 2020.
Un traumatisme qui engendre de la souffrance physique ou/et psychologique constitue objectivement un frein à l’épanouissement personnel. Pouvoir reprendre le cours de sa vie, se reconstruire et même se lever le matin peut représenter un défi en soi. La souffrance permet difficilement de vivre tranquillement ou même de juste vivre alors pouvoir exprimer un quelconque talent relève de l’exploit, de l’exception stricto sensu.
6.5. Une excuse ou la pitié▲
6.5.1. Une question de responsabilité sociale▲
Dans la vie, si tu sors de la norme physiquement ou mentalement, on estime avoir le droit de te juger. […] Alors les gens s’excusent de t’avoir jugé·e trop hâtivement. Leurs expressions changent. Iels sont sincèrement désolé·es pour toi. C’est ce qu’on appelle la pitié. Et ça te donne automatiquement droit à une carte libéré·e de prison que tu peux utiliser ou non quand bon te semble.
Alexandra Mignien, court-métrage ‘Ce qui ne nous tue pas’, 21 sept. 2020.
La résilience ne doit pas servir d’excuse, d’alibi pour les actions de la personne résiliente ; cela serait injuste et un manque de respect envers elle et toutes les personnes victimes, résilientes ou non. Survivre ou triompher d’un traumatisme ne donne aucun droit, ne doit donner lieu à aucun privilège, à aucune immunité. S’il est réjouissant qu’une personne traumatisée ait pu s’en sortir, il est irresponsable et affligeant de lui donner un blanc-seing pour cette raison.
6.5.2. La résilience a-t-elle une valeur ?▲
Mais iels font comment les gens qui n’ont pas la chance d’avoir une excuse validée par la street. La fétichisation des malheurs et des traumatismes, c’est compliqué […]
Alexandra Mignien, court-métrage ‘Ce qui ne nous tue pas’, 21 sept. 2020.
Les personnes résilientes n’ont pas à être auréolées. La fétichisation des malheurs et des traumatismes dénoncée par la réalisatrice en dit long sur le rapport à la réussite, à la victoire, à l’accomplissement personnel dans nos sociétés occidentales. La question se pose donc : quelle est la valeur de la résilience ? Pourquoi tout le monde ne mériterait-il pas un trophée, une récompense ? Vivre dans nos sociétés ne serait-il pas un succès en soi ? Pas de mérite ou de médaille parce qu’on n’aurait pas une « bonne » excuse ou « quelque chose à faire valoir » ? La résilience en est une ? Non. Selon moi, cela doit être non. La résilience ne doit pas constituer une étiquette sociologique, un badge identitaire, une carte immunité.
6.6. Un obstacle certain dans les relations interpersonnelles▲
6.6.1. Un frein dans le rapport à l’autre▲
va essayer de construire une relation amicale ou amoureuse avec des bagages traumatiques. Sur le papier, c’est excitant, mais une fois passé le charme de vivre avec une personne brisée, il ne reste souvent qu’une personne plus difficile à supporter que la normale. Ça fait fuir beaucoup plus de gens qu’on veut bien le croire.
Alexandra Mignien, court-métrage ‘Ce qui ne nous tue pas’, 21 sept. 2020.
C’est pourquoi une personne résiliente ne doit pas culpabiliser de s’en être tirée et qu’il est également fort inapproprié de faire culpabiliser une personne victime car, pour rappel, les facteurs de résilience ne sont pas maîtrisables. Il peut être délicat pour cette personne d’agir, même si cela peut paraître simple, trivial, accessible à ses propres yeux. Même en aidant ou en faisant preuve d’empathie à son égard. Donc, cela impacte ou pas, fortement ou pas, les relations interpersonnelles, des plus proches personnes aux plus lointaines.
6.6.2. Pouvoir vivre des solitudes▲
Donc non seulement ce qui ne t’a pas tué·e ne t’a pas rendu·e plus fort·e mais, en plus, ça t’a rendu·e plus seul·e. Et la solitude, il faut arriver à la gérer aussi. Pas la solitude physique, la solitude mentale. Celle qui te fait te dire que personne sur cette Terre ne peut comprendre ce que tu as vécu au moment où tu l’as vécu.
Alexandra Mignien, court-métrage ‘Ce qui ne nous tue pas’, 21 sept. 2020.
La survenue d’un événement traumatique peut ainsi isoler. La personne victime étant si touchée ou subissant un moment aliénant à vivre que ses proches peuvent se faire lointain ou elle-même préférer prendre de la distance. Cette solitude peut être quelque chose qui peut être déroutant à comprendre, à vivre, à accepter. Comme un autre deuil pour une double peine.
6.7. Une élévation spirituelle, vraiment ?▲
Et que même si tu t’en es sorti·e, tu ne seras plus jamais tout à fait sur le même plan d’existence que les autres. C’est faux aussi. Mais c’est difficile de relativiser ça quand le monde entier essaye de te faire croire que tes blessures t’ont donné accès à une élévation spirituelle. Donc non. Quand je suis perdue, le regard dans le vide, ce n’est pas forcément du stress posttraumatique. Ce n’est pas non plus parce que je pense à la vacuité de l’existence ou à la poésie de l’obsolescence. Souvent je ne pense à rien. Ou alors j’ai faim. Ou alors je pense à la robe que j’ai vue en magasin ou à la chanson que j’ai dans la tête depuis 15 jours. Parce que je suis normal·e, ni plus ni moins exceptionnel·le. Même si c’est facile de se complaire dans le rôle que la société trouve acceptable de nous donner.
Alexandra Mignien, court-métrage ‘Ce qui ne nous tue pas’, 21 sept. 2020.
La résilience ne conduit pas nécessairement à un état spirituel « transcendantal » pour la personne résiliente ou à une modification de sa psyché : ainsi, si une personne résiliente est dans la lune, elle est très souvent juste dans la lune. Pourquoi envisager autre chose ? Sur quelles bases ? De plus, on n’a pas à se sentir obligé·e d’honorer la personne résiliente pour ce qu’elle est parvenue à accomplir. On peut mais pas on ne doit pas. Les nuances sont importantes. Cela se discute bien sûr mais de la considération mal placée n’est pas faire honneur aux valeurs humaines.
7. Le rapport à l’être avec la résilience▲
Ce qui ne nous tue pas ne nous rend pas plus fort·e. Mais une chose est sûre. Ce qui ne nous tue pas ne nous définit pas.
Alexandra Mignien, court-métrage ‘Ce qui ne nous tue pas’, 21 sept. 2020.
7.1. L’utilisation du verbe être▲
L’utilisation du verbe être peut constituer une ambiguïté, être équivoque sur ce que l’on veut dire : en utilisant le verbe être, désigne-t-on l’état ou une caractéristique identitaire d’une personne ? Cela peut paraître anodin comme question mais au contraire je considère qu’elle est d’une grande importance. Entre « je suis malade », « je suis droitier ou droitière », « je suis enseignant·e », « je suis victime », « je suis triste ou joyeux, joyeuse », le verbe être est utilisé dans chaque phrase mais n’a pas la même signification. Il peut ainsi informer sur l’état de forme, de santé, sur une caractéristique biologique, physiologique ou cognitive, sur le métier exercé, sur un statut, un attribut psychosocial, sur le ressenti émotionnel ou sentimental de la personne, et la liste n’est pas exhaustive. Et il y a là un écueil de taille : la tendance à faire du qualificatif une définition de l’être, à en faire une identité. Je fais ainsi le constat suivant : si cet être verbal est important pour la reconnaissance au sein de la société, il peut être aussi préjudiciable, néfaste pour la personne car l’enfermant dans une étiquette. Cette utilisation verbale psychosociale dans la langue n’est pas à prendre à la légère car les nuances entre un état, une qualification, une caractéristique de l’être et l’identité elle-même sont ténues. Toujours penser que l’être peut changer, évoluer et… être en devenir même si malheureusement pour certaines personnes la faculté de changement ou d’évolution est quasi inexistante. Attention donc à bien considérer la proxémie du verbe être.
En passant, je partage une remarque sur un rituel, une habitude commune que l’on peut voir d’un autre œil : la manière de prendre des nouvelles d’une personne avec la question « Comment ça va ? ». Historiquement, le « ça » fait référence aux intestins, au système digestif de la personne interrogée qui selon son état donnerait une idée de l’état de forme de la personne ; cette question usuelle peut aller de pair avec l’expression : « quand l’appétit va, tout va ». En anglais, on dit « How are you? » ; si on traduit littéralement : « Comment êtes-vous ? ». Répondre n’est pas si « allant de soi » ou une simple formalité du fait du comment on emploie le verbe être et comment on le comprend soi-même. La question qui semble anodine peut ainsi indisposer, créer un malaise dans la mesure où elle vient précisément s’inscrire dans ces nuances verbales du rapport à l’être. Et puis sommes-nous tenu·es à évaluer notre état de forme ? Et à la communiquer ? C’est une question conventionnelle mais qui peut donc être inconvenante.
7.2. Au-delà du mot résilience▲
Au cours de ma navigation sur Internet, je suis tombée sur cette citation dont je n’ai pas pu trouver la source et qui fait apparaître cette problématique :
Vous n’êtes pas votre viol.
Personne inconnue, citation lue sur le web.
Vous n’êtes pas ce qu’ils vous ont fait.
Vous n’êtes pas votre trauma.
Vous êtes l’intelligence qui a survécu.
Vous êtes le courage qui s’est échappé.
Vous êtes le pouvoir qui a caché et protégé une minuscule étincelle de votre lumière.
Vous soufflerez sur cette étincelle dans un feu de rage et de joie, et avec elle, vous brûlerez tous leurs mensonges en cendres.
Comme la réalisatrice, il me semble bien important de ne pas attacher le mot résilience à la personne comme si le terme la définissait entièrement.
7.3. Un petit aparté : la métamorphose▲
En réfléchissant sur le concept de résilience, un autre mot s’est détaché dans mes réflexions : le mot métamorphose. Il est utilisé en zoologie et est aussi un mot courant pour qualifier le changement significatif du comportement d’une personne. Dans l’univers de la fiction et dans nos imaginaires, il constitue un sortilège important et une aptitude magique bien utile et impressionnante dans le monde de la sorcellerie. Comme la résilience et la vie, la métamorphose est un processus. Elle implique une structure et une énergie particulières.
Par exemple, la chenille peut se transformer en papillon car il est dans sa nature de pouvoir le faire si les conditions sont réunies. Une personne adulte a pu parvenir à l’âge adulte dans un certain état de forme parce qu’il a pu croître et passer par un certain nombre d’états induits par la puberté. Comprendre le mot forme avec les deux sens : la structure et la santé. L’allégorie de la métamorphose de la chenille se transformant en papillon est parlante pour comprendre ce qu’implique un processus. Pour devenir un papillon, la chenille doit pouvoir être dans un endroit favorable pour construire son cocon et doit aussi disposer des ressources pour le faire, notamment sur le plan alimentaire pour disposer de l’énergie pour tisser la structure de soie autour d’elle. De plus, une fois métamorphosé en papillon, ce petit être vivant n’est plus structuré pour réaliser une autre métamorphose. Cela lui est impossible. Dans sa vie de lépidoptère, il ne peut réaliser que les quatre stades de développements successifs : l’œuf, la chenille, la chrysalide et le papillon quand les conditions le lui permettent. On voit ainsi l’importance de la structure imposée par l’ADN avec l’environnement et l’énergie, c’est-à-dire les ressources indispensables pour que cette métamorphose soit possible. On note aussi un certain déterminisme représenté ici par la structure biologique de l’insecte.
Pour que le processus se passe au mieux, on ne peut donc agir en pleine conscience que sur les ressources malléables tout en prenant en compte celles qui sont indéformables, figées par le déterminisme. Toute la problématique dans une guérison, un épanouissement ou l’accomplissement de soi est de pouvoir agir sur ce qui est possible, de pouvoir disposer de l’énergie nécessaire et suffisante pour faire ce qui est soi et c’est rageant de se rendre compte que la marge de manœuvre peut s’avérer être assez étroite pour y parvenir.
Sonia Kanclerski, Pause-café chez Sonia, article Ce qui ne nous tue pas, 2024.
Conclusion▲
La résilience est un concept souvent mal compris, où l’on peut écouter beaucoup de confusion quand il est abordé. Dans une société individualiste et consumériste où l’on prône l’accomplissement de soi avec ses efforts personnels, où l’on vante le mérite personnel, le leitmotiv est qu’il ne tiendrait qu’à soi pour y arriver ou pour s’en sortir, même en cas de traumatisme : c’est faux, c’est un mythe. Ce court-métrage fournit de la matière pour y réfléchir, mettre des mots sur des idées et prendre du recul sur des idées reçues. A partager pour diffuser ces réflexions.