Pensées sur la condition humaine au XXIe siècle
Pensées sur la condition humaine au XXIe siècle
Pensées sur la condition humaine au XXIe siècle

Crédits

La copie du tableau "La nature de l'homme" de René Magritte, 1933.

🔗 Haeferl. CC BY-SA 4.0 Deed.

Pensées sur la condition humaine au XXIe siècle

Cet article constitue un essai aux questions de société suivantes :

Introduction

Pour essayer de me forger un avis et écrire des éléments de réflexion, j’ai pris le temps de me poser, de réfléchir sur différents sujets plus ou moins connexes : la société de consommation d’informations, la concentration, les illusions, les modes de vie, le rapport à la vie. Si l’article peut trouver un écho ou être utile, aidant d’une manière ou d’une autre…

1. Une masse d’informations à haute vitesse

Toutes les inventions et découvertes ne se valent pas dans l’histoire de l’humanité. Les inventions de l’imprimerie et d’Internet ont considérablement changé la donne : c’est l’explosion des connaissances dans beaucoup de foyers dans le monde entier.

Stephen Hawking dans son dernier ouvrage publié, fait le constat que les inventions de l’imprimerie et d’Internet ont profondément changé le rapport au monde car, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la transmission des mots s’est mise à supplanter la transmission par les gènes en termes de quantité d’informations pour la survie de l’espèce humaine.

Au XXIe siècle, tout va plus vite tout le temps. Le déplacement personnel, l’accessibilité à l’information. Avec l’invention du train, de la voiture et de l’avion ainsi que la démocratisation de leurs coûts de déplacement, c’est l’explosion de la vitesse. La surface géographique des personnes a considérablement grandi, pour encore plus d’informations échangées et ingurgitées. Cela contribue à façonner une perception de la réalité plus grande que celle des générations précédentes. Avec un manque de maturité pour gérer cette masse d’informations, cela peut créer des angoisses, des peurs. Jusqu’à la saturation ? Jusqu’à l’indigestion individuelle et/ou collective ?

2. Le rapport à l’attention

Avec cette masse d’informations et de connaissances, il est plus difficile de rester concentrer sur une tâche longtemps, d’être dans le flow sur une longue période. La tendance est de zapper, de vite passer à autre chose. Beaucoup de choses dans la vie quotidienne sont donc devenues des produits de consommation avec une date de péremption ou presque 🙁 Il y a aussi une confusion entre ce qui est important et ce qui est urgent. Ce n’est pas sans conséquence néfaste sur le vivre-ensemble et les relations interpersonnelles.

De plus, beaucoup de gens ne semblent plus savoir se (re)poser. Ce qui peut expliquer le nombre croissant de personnes souffrant de troubles liés à l’attention, la concentration. Le sommeil est lui aussi sévèrement impacté. Ce n’est pas seulement un rapport avec les écrans. Avoir la capacité à être à ce que l’on fait s’apprend et se travaille mais, avec le mode de vie actuel, pouvoir se concentrer sur la concentration, pour beaucoup de personnes, cela relève du défi ou est de l’ordre de l’impossible.

C’est pourquoi on doit faire l’éloge de l’ennui, de la paresse, de l’ataraxie 🙂

3. Des cavernes de Platon

On ne sait pas désapprendre et le « on », ce sont beaucoup de gens. On vit encore dans beaucoup de structures rigides ou verticales type « le chef a toujours raison », y compris dans les lieux de savoirs et/ ou de transmissions de savoirs. Les différents cadres, lieux de vie dans lesquels nous évoluons ne nous permettent pas toujours de nous émanciper. Beaucoup de personnes restent donc enfermées dans leurs croyances qui constituent pour elles des certitudes inébranlables. On peut faire le constat que ces croyances créent une multitude de « cavernes de Platon » individuelles et collectives. De combien de cavernes sommes-nous victimes sans que nous nous en rendons compte ?

4. Le syndrome « La vie est belle »

Pour ma part, je pense que nous sommes toutes et tous victimes du syndrome « La vie est belle » avec un degré plus ou moins prononcé. Une caverne de Platon d’après Seconde Guerre mondiale grandeur nature (cf. paragraphe précédent). J’ai le fort sentiment que collectivement nous n’avons pas pris la mesure de ce qu’il s’est passé pour l’humanité du fait de cette guerre. 2,5 % de la population mondiale victime et disparaissant en 6 ans avec un génocide et des conséquences psychosociologiques dramatiques. Face à ce déni collectif de la violence masculine, cela va se reproduire tôt ou tard. On risque de subir ou on subit déjà une sorte de backlash de l’effet de la Seconde Guerre mondiale, un conflit généralisé possiblement sous une autre forme : des guerres civilisationnelles plus ou moins localisées dans le monde, une explosion du terrorisme : « la guerre par la terreur », des luttes de classes à cause d’inégalités et d’injustices sociales, des révolutions plus ou moins silencieuses.

Pourquoi cette expression pour le syndrome ? Pour le film intitulé La vie est belle réalisé par Roberto Benigni. Dans le film, pour lui éviter l’horreur de la vie dans un camp de concentration, un père prisonnier avec son fils fait croire à celui-ci que les occupations dans le camp sont en réalité un jeu pour son anniversaire, qu’il faut accomplir des tâches parfois difficiles pour atteindre les 1 000 points gagnants et ainsi obtenir un cadeau. Le réalisateur lui-même définit son film comme une fable, un conte philosophique (cf. source Wikipédia ci-dessous).

5. C’était mieux avant ?

Je réponds personnellement : NON. (Et loin s’en faut !). Même s’il reste beaucoup à faire, le progrès humain se fait même s’il peut se produire aussi des régrès. On voudrait plus mais on ne peut pas occulter des millénaires d’ignorance et de croyances de toutes sortes en un claquement de doigts.

Dans notre époque contemporaine, des découvertes technologiques ont notamment permis une meilleure qualité de vie. Je décide de citer 2 découvertes médicales concrètes et majeures : la radiologie et le vaccin. Avant, se fracturer un os était particulièrement douloureux : impossible de localiser la fracture, pas de plâtre, une attelle de fortune et beaucoup de temps pour que la blessure puisse guérir si c’était possible… Tout ça sans médicament anti-douleur accessible et bon marché. Sans vaccin, il était fréquent de souffrir de maladies infantiles et d’en mourir.

A noter aussi le rôle de l’éducation. L’accès à l’éducation a permis aux gens une prise de conscience a minima des inégalités, de rendre compte d’injustices ce qui fait qu’on dénombre factuellement plus de choses qui ne vont pas qu’on aurait tu ou pas considéré comme tel auparavant. Nous avons donc en mémoire un passé non réaliste et d’un monde plus dur dans le présent.

De plus, la condition de vie des femmes était précaire : les violences niées et silenciées, incestes et viols inclus, la lutte pour l’obtention des droits des femmes, les études, le travail, le divorce, la contraception, l’IVG, la dangerosité de la grossesse et de l’accouchement.

En effet, pour les femmes, la grossesse et l’accouchement constituaient (et constituent encore souvent) un risque majeur de mourir. En atteste l’utilisation de ce proverbe populaire du XVIIe siècle souvent cité aux siècles suivants, notamment dans des écrits médicaux :

Femme grosse a un pied dans la fosse.

NICOT J., Trésor de la langue françoise, Paris, 1606.

Donc non, ce n’était pas mieux avant. Ce mythe du passéisme serait dû à un biais cognitif : le biais de négativité. Un article de France Culture, datant du 17 février 2020, rédigé par Hélène Combis traite de ce mythe :

6. Le trio Existence, Vie, Survie

Je fais le constat personnel que dans nos sociétés occidentales, beaucoup de personnes existent, survivent mais ne vivent pas. Oui, ce sont des mots durs au premier abord, qui peuvent même être qualifiés de méprisants, mais il n’en est rien. En fait, je fais une distinction entre trois mots différents du dictionnaire : existence, vie, survie. A notre naissance, nous existons en tant qu’être humain : notre cœur d’homo sapiens se met à battre, nous pouvons respirer, sentir, nous alimenter, nous mouvoir plus ou moins facilement. Mais est-ce là réellement la vie d’un·e être humain·e ? Vivre la condition humaine, n’est-ce pas bien plus qu’expériencer seulement les phénomènes physiologiques inhérentes à l’espèce humaine ?

La totalité est plus que la somme des parties.

Aristote, La Métaphysique

La vie humaine ne se résume pas (ne doit pas se résumer ?) à exister ou à survivre, d’où la distinction verbale. Pourtant, des personnes renoncent à « vivre pleinement » par commodité ou contentement, par peur de l’inconnu et absence de mode d’emploi ou de notice explicative sur comment vivre sa vie. En pleine conscience ou sans s’en rendre compte. Sereinement ou dans l’angoisse du lendemain.

Nous devons pouvoir façonner la personne que l’on est. Un devoir de la société pour tout individu ? Personnellement, je réponds par l’affirmative à cette question. D’ailleurs, ne pas pouvoir vivre, être empêché·e d’expériencer la vie, ne pas découvrir ce que l’on sait faire et/ou être, son « identité de faire » ET s’en rendre compte, ne serait-ce pas une tragédie à vivre ? « Pouvoir faire ce que l’on est, être ce que l’on fait ». Ce n’est pas pour rien que les noms des personnes sont beaucoup ou en lien avec des noms de métiers. D’où aussi l’importance de la visibilité, de la reconnaissance de ce qui est fait dans une vie humaine.

Ce sujet est abordé dans une conférence de l’association UPP ALDERAN intitulé V comme Vivant et Vie :

Je partage un lien sur une série de conférences intitulée Les mots de la philosophie, des conférences thématiques de l’association UPP ALDERAN où les notions de vivant et vie sont plus détaillées :

https://audiotheque.alderan-philo.org/mots-de-la-philosophie/2147-le-vivant-et-la-vie.html

https://audiotheque.alderan-philo.org/mots-de-la-philosophie/1987-serie-les-mots-de-la-philosophie.html

7. Histoire de paradigmes de la vie sociale

Actuellement, dans beaucoup de sociétés dont la nôtre, le paradigme de la vie sociale est sans conteste : « Que le meilleur gagne. La loi du plus fort est toujours la meilleure », symbolisé par le jeu Monopoly, inventé au début du XXe siècle par Elizabeth Magie, une conceptrice américaine de jeux de société, alors qu’à l’origine le jeu visait pourtant à dénoncer une loi antisociale. Bien sûr, d’autres systèmes politiques existent mais la réussite individuelle est mise à l’honneur au détriment du collectif, des groupes de société et de la biodiversité de la planète elle-même.

Mais pourquoi doit-on suivre ce paradigme pour « faire société » ? Pourquoi ne pas plutôt adhérer à un autre paradigme que l’on pourrait formuler avec ces mots : « Si une seule personne perd, tout le monde perd, y compris le monde vivant sur la planète ». Pour l’instant, il semble qu’il soit difficilement envisageable d’en faire le leitmotiv dans la vie d’un pays. Passer d’une culture de l’égoïsme à une culture de l’entraide demande une prise de conscience générale qui est très loin d’être acquise, ou pire, le paradigme de la compétition est préférée, même si cela se fait au détriment du plus grand nombre. Exploitation, j’écris ton nom.

D’ailleurs, dans notre contexte socio-culturel, que signifie aider ? Pour beaucoup de personnes, aider relève de l’assistanat et non de l’apprentissage de l’autonomie, de soutien, d’accompagnement, d’encouragement. Les structures sociales sont trop verticales, et quand elles sont horizontales, on ne sait ni utiliser les ressources, ni faire confiance aux talents des personnes. Pour l’instant, on ne sait donc pas créer un vivre-ensemble structuré avec équité et bienveillance. On tâtonne. Nos démocraties sont ainsi plus proches d’oligarchies et de fausses technocraties.

Je partage un lien sur un livre qui traite de l’entraide et de cette question intitulé L’entraide, l’autre loi de la jungle, écrit par Pablo Servigne et Gauthier Chapelle.

Voir aussi un article du blog sur l’entraide que j’avais personnellement écrit en juin 2024 :

Conclusion

Actuellement, au XXIe siècle, nos représentations mentales sont grandement affectées, impactées. Les inventions d’Internet, de la voiture, de l’avion, de la téléphonie mobile, des réseaux sociaux, des congés, et surtout leur accessibilité pour beaucoup de monde dans un laps de temps court à l’échelle d’une vie humaine ont bouleversé la vie sociale en profondeur. Le temps d’adaptation au changement ne peut se faire au même rythme. On peut introduire la notion d’entropie sociétale : cela demande beaucoup d’énergie pour vivre dans ce contexte, même pour vivre simplement à sa façon. Les nuances entre existence, vie et survie sont ténues et dépendent grandement de ses ressources personnelles de toutes sortes. A cause de la vitesse de changement, l’adaptabilité de la vie dans un espace-temps socio-culturel n’est pas une sinécure. Cela crée inévitablement de l’incongruence tant sur le plan individuel que sur le plan sociétal.

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